Toutes les armes sont traçables, grâce à leurs caractéristiques de fabrication et leurs numéros de série. Toutes, sauf les armes fabriquées à l’aide d’une imprimante 3D qui, depuis quelques années, ont fait leur apparition dans les pays européens.
En 2013, Cody Wilson, un étudiant en droits de l’université du Texas, fonde son entreprise Defense Distributed dont l’objectif est de développer et de distribuer des armes imprimées en 3D. Lorsqu’il met en ligne son premier fichier CAO (Conception Assistée par Ordinateur) gratuit pour fabriquer un pistolet en plastique baptisé liberator, le succès est immédiat avec pas moins de 100 000 téléchargements en seulement deux jours!
L’événement ne passe pas inaperçu auprès du gouvernement américain qui exige que le fichier soit retiré. C’est le début d’une bataille juridique qui aboutit en 2018 à la légalisation des armes à feu imprimées en 3D par l’administration Trump. Cette décision, bloquée en 2019 par un juge fédéral est aussitôt contrecarrée par le réseau d’activistes pro-armes Deterrence Dispensed, qui va continuer à diffuser les fichiers de modèles d’armes à feu au nom du deuxième amendement de la constitution américaine stipulant que: « Une milice bien réglée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé ». Ces armes fantômes pullulent désormais dans les villes américaines, suscitant une inquiétude grandissante dans toute l’Amérique du Nord.
NON IDENTIFIABLES ET INTRACABLES
Totalement illégaux en Europe, ces fichiers de fabrication n’en circulent pas moins sur le net. Selon l’agence de police européenne EUROPOL, les saisies d’armes en 3D dans le cadre d’enquêtes sur le territoire européen n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Pour preuve , le démantèlement d’un atelier dédié à leur fabrication en Espagne ou encore l’arrestation au Royaume-Uni d’individus de mouvance d’extrême droite, détenteurs de composants d’armes en 3D.
Si ces armes fantômes inquiètent tant les autorités des deux côtés de l’Atlantique, c’est d’abord parce qu’elles échappent à toute possibilité d’identification. Chaque arme fabriquée dans le cadre d’un processus industriel possède en effet ses caractéristiques propres qui laissent des traces sur ses différentes pièces (percuteur, éjecteur, canon…) mais également les douilles et les projectiles et créent une sorte d’empreinte, unique comme le sont les empreintes digitales. Dans la plupart des cas, les techniques d’investigation actuelles réussissent également à détecter un numéro de série même si celui-ci a été volontairement effacé. En revanche, une arme issue d’une imprimante 3D ne possède aucun de ces éléments qui pourraient permettre de remonter la piste ou encore d’en comptabiliser le nombre en circulation.
Autre motif d’inquiétude : les matériaux qui composent cette nouvelle génération d’armes. Il s’agit généralement de thermoplastiques tels que le PLA, acide polyactique issu de ressources renouvelables, ou de l’ABS, Acrylonitrile Butadiène Styrène, un polymère thermoplastique très utilisé en électroménager. Dans les deux cas, le pistolet ne déclenche pas les portiques détecteurs de métaux, rendant inopérantes les mesures de sécurité prises dans les lieux publics, notamment face aux tentatives terroristes. Il est d’autant plus indétectable qu’il peut être démonté pièce par pièce puis remonté manuellement en quelques minutes.
UN DEFI DE TAILLE FACE A LA TECHNOLOGIE
Le seul point rassurant face à cette nouvelle menace, ce sont les nombreuses fragilités de ces armes fantômes. Le procédé de fabrication avec les imprimantes actuelles est complexe et les thermoplastiques utilisés ont tendance soit à se déformer, soit à se fissurer ou à casser. Face à la force explosive d’un tir de balle, la structure ne résiste pas, des essais ayant démontré que l’utilisateur ne peut tirer qu’une seule balle avant de voir l’une des pièces de l’arme exploser. Il existe des modèles d’armes métalliques en 3D mais elles sont très coûteuses et perdent de fait leur « invisibilité».
Pour les experts, toutefois, c’est plutôt le coup d’après qu’il faut garder en tête. Les technologies 3D évoluant constamment et de façon très rapide, il faut s’attendre à voir émerger dans un avenir proche une nouvelle génération d’imprimantes et de matériaux plus performants qui rendraient alors la confection d’une arme aussi simple qu’un jeu d’enfant.
Sources :
https://www.ledevoir.com/societe/698724/violence-armee-les-armes-fantomes-un-phenomene-qui-inquiete
https://www.3dnatives.com/armes-imprimees-en-3d-08092020/
https://www.noovo.info/video/le-ghost-gun-une-nouvelle-menace-pour-les-policiers-au-canada.html
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